Anschütz modèle 1418 Stutzen : la petite .22 qui se prenait pour une carabine de grande chasse

D'une esthétique éminemment germanique, l'Anschütz 1418 Stutzen faisait figure, en son temps, de carabine de luxe, classée par Pierre Maurel de Silvera (Les carabines 22 long rifle, Crépin-Leblond et Cie, Paris, 1976) dans "la classe luxe des carabines de haut de gamme, qui ne se différencie(nt) des très belles armes de grande chasse que par le calibre" et dont le prix se situe entre 1500 et 2000 francs. En 1982, Le Guillaume Tell la donnait à 2520 francs. En 1988, lorsque fut publié le banc d'essai des carabines .22 l.r. à verrou du moment du Chasseur français (n° 1095 de mai 1988), l'Anschütz 1418 ST se négociait à 3930 francs, soit 750 de nos euros, somme considérable pour l'époque et qui limitait d'autant la clientèle potentielle de cette arme de petit calibre.

Si Pierre Maurel de Silvera semble avoir été conquis par le fût long de la 1418 (elle figure en bonne place à la page 22 de son ouvrage), Francis Grange, dans son banc d'essai du Chasseur français, s'est montré très critique à l'égard de sa détente, "complètement ratée" d'après lui. Mon avis sur la question est que Le Chasseur français n'a pas compris la philosophie des créateurs de cette carabine, véritable carabine de grande chasse en modèle réduit - seulement 960 mm hors tout pour une masse de 2,5 kg ! C'est de toute évidence son stecher qui lui est reproché, or c'est justement cet élément qui, bien plus encore que le fût long, confère toute son originalité à cette petite .22 long rifle.

Il va sans dire que, une fois ce stecher à l'allemande armé, la détente est sensible à la moindre pression. Le stecher à l'allemande (der deutsche Stecher, en allemand) est devenu, de nos jours, rare sur les armes de chasse, y compris en Allemagne, du fait des risques qu'il présente - le stecher est d'ailleurs proscrit en battue, car le moindre contact sur la détente pourrait occasionner un départ de coup accidentel. A noter que les queues de détente sont de type "chasse". La présence d'un stecher sur cette carabine lui confère un caractère "vintage" qui cadre bien avec l'allure générale de l'arme.

Made by J.G. Anschütz GmbH, Waffenfabrik, Ulm an der Donau, West Germany.

Cette arme est passée au banc d'épreuves d'Ulm (bois de cerf) en 1971 et porte plusieurs poinçons d'épreuve définitive à la poudre sans fumée (aigle au-dessus d'un N). On peut constater ici que la théorie qui veut qu'Anschütz ait commencé à coder ses bancs d'épreuve avec des lettres à partir de 1968 ne tient pas la route - l'année de banc d'épreuve numérotée la plus récente attestée pour Anschütz est en effet 1977 (= code 77) alors que l'année la plus basse attestée par les codes "lettres" est HI, c'est-à-dire 1978.

Voici les informations fournies sur le site internet d'Anschütz :

"Up to approx. 1958 only the proof test stamp and the kind of ammunition was imprinted on the barrel.

From approx. 1958 to approx. 1968 apart from the proof test stamp also the last two digits of the referring year were imprinted on the barrel.

Since approx. 1968 the year of manufacture is coded. The code for determining the age is as follows:
0=A; 1=B; 2=C; 3=D, 4=E; 5=F; 6=G; 7=H; 8=I/J; 9=K
The year of proof testing is described by the last two digits of a year, i. e. that a firearm with the letters AF was officially proof tested in the year 2005 (05).

Since 2014 the "Federal Eagle" as proof test stamp is replaced by the letters "CIP"."

Il y a donc tout lieu de penser que 1968 est une coquille et qu'il faut lire 1978 à la place.

La dénomination du modèle et son calibre.

La hausse à feuillet, rabattable, donne à l'arme un look indubitablement "chasse".

Le guidon est protégé par un tunnel.

Le schnabel (<-- allemand der Schnabel "le bec") en bois de rose.

La culasse est munie d'un levier d'armement qui a de faux airs de levier de Gewehr 98 allemand de la Première Guerre mondiale... en modèle réduit !

La culasse est du type 64, réputé moins solide et moins bon que le type 54 : alors que seul le percuteur est mis en mouvement avec le système 54, le système 64 fonctionne selon le principe de la masse percutante, ce qui engendre un mouvement plus long et davantage de vibrations. Le système 64 présente néanmoins l'avantage de pouvoir être démonté aisément en faisant pivoter la tête de culasse à 90°.

Quoi qu'il en soit, c'est cette culasse qui équipe encore, plus de quarante-cinq ans après, l'Anschütz 1416 D HB G Classic présentée dans le numéro 377 de Septembre/Octobre 2017 d'Action.

Le talon du chargeur (en matière plastique) a souffert : il a quelque peu fondu et devra être remplacé.

Le levier de déblocage du chargeur doit être poussé vers l'avant pour extraire celui-ci ; on peut regretter qu'il ne fasse pas davantage saillie sur l'arme, tant cette opération s'avère parfois laborieuse du fait du manque de prise.

On s'interroge sur la présence de l'indication du calibre, a priori totalement superflue.

La plaque de couche est en matière plastique.

Vue de la joue allemande de la crosse de la 1418 ST ainsi que de sa poignée-pistolet munie d'un quadrillage de type écossais réalisé à la main.

Le noyer européen utilisé, sans être luxueux, est de qualité correcte et de teinte chaude.

Cette belle carabine a malheureusement perdu sa grenadière avant, de même que quelques menus "enjoliveurs"...

Pour conclure, je dirais que cette "carabine de grande chasse" en miniature allie une mécanique intéressante (qualité des usinages, stecher...) à un habillage typiquement germanique qui, s'il séduira d'emblée bon nombre de tireurs, aura aussi fatalement ses détracteurs.

Le stecher, en particulier, s'est attiré les foudres du reviewer du Chasseur français, à tort à mon avis.

Sa faible masse autorise l'installation d'une lunette, qui aura l'avantage de stabiliser l'arme au tir.

Pour compléter ce sujet, voici quelques vues de la petite lunette qui accompagnait l'arme.

Il s'agit d'une lunette "vintage" pseudo-germanique Waldläufer en 4x20 commercialisée autrefois par la firme ouest-allemande Lisenfeld (1962-2003) et fabriquée au Japon. Bien qu'elle paraisse légèrement indigente pour ce type de carabine, le fait qu'elle soit numérotée atteste de sa qualité de fabrication ou, tout du moins, des contrôles effectués en République fédérale.

Son montage d'origine maintient la lunette au plus près du canon, permettant ainsi de ne pas trop éloigner la ligne de l'axe optique de celle de l'axe de tir.

Cette lunette n'entrave en rien la course du levier d'armement.

Le réticule de cette lunette est typiquement allemand, repris par les lunettes PU soviétiques inspirées des modèles Zeiss des années 1930.

La 1533 222 Remington est d'une finition ENCORE plus soignée que la 1418 : un autre niveau !